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le numéro 9672.

« C’est bien imprudent ce que vous avez fait, monsieur ! dit-il en se couchant à demi pour reprendre haleine.

– Comment, si c’est imprudent ? répliqua le voyageur. Dites donc que c’est tout bonnement absurde !

– Vous avez risqué votre vie…

– Et je vous ai fait risquer la vôtre !

– Oh ! moi !… c’est un peu mon métier ! » répondit Joël.

Et, se relevant :

« Maintenant, il s’agit de regagner le haut de la croupe, ajouta-t-il, mais le plus difficile est fait.

– Oh ! le plus difficile !…

– Oui, monsieur, c’était d’arriver jusqu’à vous. Nous n’avons plus qu’à remonter une pente bien moins raide.

– C’est que vous ferez bien de ne pas trop compter sur moi, mon garçon ! J’ai une jambe qui ne pourra guère me servir, ni en ce moment ni pendant quelques jours, peut-être !

– Essayez de vous relever !

– Volontiers… avec votre aide !

– Vous prendrez le bras de ma sœur. Moi, je vous soutiendrai et vous pousserai par les reins.

– Solidement ?…

– Solidement.

– Eh bien, mes amis, je m’en rapporte à vous. Puisque vous avez eu la pensée de me tirer d’affaire, cela vous regarde. »

On procéda, ainsi que l’avait dit Joël, prudemment. Si de remonter la croupe ne fut pas sans quelque danger, tous trois s’en tirèrent mieux et plus vite qu’ils ne l’espéraient. D’ailleurs, ce n’était ni d’une foulure ni d’une entorse que souffrait le voyageur, mais simplement d’une très forte écorchure. Il put donc faire meilleur usage de ses deux jambes qu’il ne le croyait, non sans douleur, toutefois. Dix minutes après, il était en sûreté au-delà de la Maristien.

Là, il aurait pu se reposer sous les premiers sapins qui bordent le field