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le numéro 9672.

çait en obliquant, de manière à gagner plus aisément l’endroit où le voyageur se tenait immobile. Dans la position que celui-ci occupait, on ne pouvait voir sa figure qui était tournée du côté de la chute.

Joël, arrivé au-dessous de lui, s’arrêta. Après s’être arc-bouté solidement dans une cassure de roche :

« Eh !… monsieur ! » cria-t-il.

Le voyageur tourna la tête.

« Eh ! monsieur ! reprit Joël. Ne faites pas un mouvement, pas un seul, et tenez bon !

– Soyez tranquille, je tiens bon, mon ami ! lui fut-il répondu d’un ton qui rassura Joël. Si je ne tenais pas bon, il y a un quart d’heure que je serais par le fond du Rjukanfos !

– Ma sœur va descendre jusqu’à vous, reprit Joël. Elle vous prendra par la main. Mais, avant que je sois là, n’essayez pas de vous relever !… Ne bougez pas…

– Pas plus qu’un roc ! » répliqua le voyageur.

Déjà Hulda commençait à descendre de son côté, cherchant les points moins glissants de la croupe, engageant son pied dans les crevasses où il trouvait un appui solide, la tête libre, ainsi qu’il en est de ces filles du Telemark, habituées à dévaler les rampes des fields. Et, de même que l’avait crié Joël, elle cria aussi :

« Tenez bon, monsieur !

– Oui, je tiens… et je tiendrai, je vous l’assure, tant que je pourrai tenir ! »

On le voit, les recommandations ne lui manquaient pas. Elles venaient d’en bas et d’en haut.

« Surtout, n’ayez pas peur ! ajouta Hulda.

– Je n’ai pas peur !

– Nous vous sauverons ! cria Joël.

– J’y compte bien, car, par saint Olaf ! je ne pourrais me sauver tout seul ! »

Évidemment, ce voyageur avait absolument conservé sa présence d’esprit. Mais, après sa chute, sans doute, bras et jambes lui avaient refusé service, et