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un billet de loterie.

« Tu n’as jamais entendu parler de ce Sandgoïst, quand tu allais à Drammen ? reprit-elle.

– Jamais.

– Eh bien, sache donc, Joël, que notre mère le connaissait déjà, au moins de nom !

– Elle connaissait Sandgoïst ?

– Oui, frère.

– Mais, ce nom, je ne le lui ai jamais entendu prononcer !

– Elle le connaissait, cependant, bien qu’elle n’eût jamais vu cet homme avant sa visite d’avant-hier ! »

Et Hulda raconta tous les incidents qui avaient marqué le séjour du voyageur dans l’auberge, sans omettre l’acte singulier de dame Hansen au moment du départ de Sandgoïst. Elle se hâta d’ajouter :

« Je pense, mon Joël, qu’il vaut mieux ne rien demander à notre mère. Tu la connais ! Ce serait la rendre plus malheureuse encore. L’avenir nous apprendra, sans doute, ce qui se cache dans son passé. Fasse le Ciel que Ole nous soit rendu, et, s’il y a quelque affliction qui menace la famille, nous serons trois, du moins, à la partager ! »

Joël avait écouté sa sœur avec une profonde attention. Oui ! Entre dame Hansen et ce Sandgoïst, il y avait de graves raisons qui mettaient l’une à la merci de l’autre ! Pouvait-on douter que cet homme fût venu pour inventorier l’auberge de Dal ? Évidemment non ! Et cette note déchirée au moment où il allait partir – ce qui lui avait paru tout naturel – qu’est-ce que cela pouvait signifier ?

« Tu as raison, Hulda, dit Joël, je ne parlerai de rien à notre mère. Peut-être regrettera-t-elle de ne pas s’être confiée à nous. Pourvu qu’il ne soit pas trop tard ! Elle doit bien souffrir, la pauvre femme ! Elle s’est butée ! Elle ne comprend pas que le cœur de ses enfants est fait pour qu’elle y verse ses peines !

– Elle le comprendra un jour, Joël.

– Oui ! Aussi, attendons ! Mais, d’ici là, il ne me sera pas défendu de chercher à savoir ce qu’est cet individu. Peut-être monsieur Helmboë le connaît-il ? Je le lui demanderai la première fois que j’irai à Bamble, et,