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un billet de loterie.

était contiguë à sa chambre. À la vue de dame Hansen, il s’arrêta un instant sur le seuil.

Évidemment, il était aussi inconnu à son hôtesse que son hôtesse l’était à lui-même. Aussi s’avança-t-il vers elle, et, après l’avoir regardée par-dessus ses lunettes :

« Dame Hansen, je pense ? dit-il, sans que le chapeau qu’il avait sur la tête eût même été touché de la main.

– Oui, monsieur, » répondit dame Hansen.

Et, en présence de cet homme, elle éprouva, comme sa fille, un trouble dont celui-ci dut s’apercevoir.

« Ainsi, c’est bien vous dame Hansen, de Dal ?

– Sans doute, monsieur. Avez-vous donc quelque chose de particulier à me dire ?

– Aucunement. Je voulais seulement faire votre connaissance. Ne suis-je pas votre hôte ? Et maintenant, veillez à ce qu’on me serve à dîner le plus tôt possible.

– Votre dîner est prêt, répondit Hulda. Si vous voulez passer dans la salle à manger…

– Je le veux ! »

Cela dit, le voyageur se dirigea vers la porte que lui montrait la jeune fille. Un instant après, il était assis près de la fenêtre devant une petite table proprement servie.

Le dîner était assurément bon. Aucun touriste – même des plus difficiles – n’y eût trouvé à reprendre. Cependant, ce personnage peu endurant n’épargna pas les signes et les paroles de mécontentement – les signes surtout, car il ne paraissait pas être loquace. On pouvait se demander, vraiment, si c’était à son mauvais estomac, ou à son mauvais caractère qu’il devait d’être si exigeant. Le potage aux cerises et aux groseilles ne lui convint qu’à demi, bien qu’il fût excellent. Il ne toucha que des lèvres au saumon et au hareng mariné. Le jambon cru, un demi-poulet fort appétissant, quelques légumes bien accommodés, ne parurent point lui plaire. Il n’y eut pas jusqu’à sa bouteille de Saint-Julien et à sa demi-bouteille de Champagne