Page:Verne - Un billet de loterie - suivi de Frritt-Flacc, 1886.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
un billet de loterie.

à voiles peut avoir des retards. La traversée est longue de Saint-Pierre-Miquelon à Bergen. Ah ! que n’est-ce un bateau à vapeur, ce Viken, et que n’en suis-je la machine ! Comme je le pousserais contre vents et marée, quand je devrais éclater en arrivant au port ! »

Il disait tout cela parce qu’il voyait bien l’inquiétude de Hulda grandir de jour en jour.

Précisément, il y avait alors grand mauvais temps au Telemark. De rudes vents balayaient les hauts fields, et ces vents, qui soufflaient de l’ouest, venaient d’Amérique.

« Ils devraient pourtant favoriser la marche du Viken ! répétait souvent la jeune fille.

– Sans doute, répondait Joël, mais s’ils sont trop forts, ils peuvent le gêner aussi et l’obliger à tenir tête à l’ouragan. On ne fait pas ce qu’on veut sur mer !

– Ainsi, tu n’es pas inquiet, Joël ?

– Non, Hulda, non ! Cela est très fâcheux, mais rien de plus naturel que ces retards ! Non ! Je ne suis pas inquiet, et il n’y a vraiment pas lieu de l’être ! »

Le 19, il arriva à l’auberge un voyageur qui eut besoin d’un guide. Il s’agissait de le conduire jusque sur la limite du Hardanger en passant par les montagnes. Bien que très contrarié de laisser Hulda à elle-même, son frère ne pouvait refuser ses services. Ce serait une absence de quarante-huit heures au plus, et Joël comptait bien trouver Ole à son retour. La vérité est que le brave garçon commençait à être très tourmenté. Il partit donc dans la matinée, le cœur gros, il faut bien le dire.

Le lendemain, précisément, vers une heure après midi, on frappait à la porte de l’auberge.

« Serait-ce Ole ! » s’écria Hulda.

Elle alla ouvrir.

Sur le seuil se tenait un homme en manteau de voyage, juché sur le siège de sa kariol, et dont le visage lui était inconnu.