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le numéro 9672.

Les Norvégiens ont de qui tenir, d’ailleurs. Leurs ancêtres étaient d’intrépides gens de mer, à l’époque où les Hansen avaient accaparé le commerce de l’Europe septentrionale. Peut-être furent-ils un peu pirates dans les anciens temps ; mais la piraterie c’était alors la façon de procéder. Sans doute, le commerce s’est bien moralisé depuis, bien qu’il soit permis de penser qu’il reste encore quelque chose à faire.

Quoi qu’il en soit, les Norvégiens étaient d’audacieux navigateurs, ils le sont aujourd’hui, ils le seront toujours. Ole Kamp n’était pas homme à démentir les promesses de son origine. Son apprentissage, son initiation à ces durs travaux, c’est à un vieux maître au cabotage de Bergen qu’il les devait. Toute son enfance s’était passée dans ce port, l’un des plus fréquentés du royaume scandinave. Avant de prendre la grande mer, il avait été un audacieux gamin des fiords, un dénicheur d’oiseaux aquatiques, un pêcheur de ces innombrables poissons qui servent à fabriquer le stock-fish. Puis, devenu mousse, il a commencé à naviguer sur la Baltique, au large de la mer du Nord, et même jusqu’aux parages de l’Océan polaire. Il fit ainsi plusieurs voyages à bord des grands navires de pêche, et obtint le grade de maître, quand il eut plus de vingt et un ans. Il en avait maintenant vingt-trois.

Entre ses campagnes, il ne manquait jamais de venir revoir la famille qu’il aimait, la seule qui lui restât au monde.

Et alors, quand il se trouvait à Dal, quel compagnon digne de Joël ! Il le suivait dans ses courses, à travers les montagnes, jusque sur les plus hauts plateaux du Telemark. Les fields après les fiords, ça lui allait à ce jeune marin, et il ne restait jamais en arrière, à moins que ce ne fût pour tenir compagnie à sa cousine Hulda.

Une étroite amitié s’établit peu à peu entre Ole et Joël. Ce fut par une conséquence tout indiquée que ce sentiment prit une autre forme à l’égard de la jeune fille. Et comment Joël ne l’eût-il pas encouragé ? Où sa sœur aurait-elle trouvé dans toute la province un meilleur garçon, une nature plus sympathique, un caractère plus dévoué, un cœur plus chaud ? Ole pour mari, le bonheur de Hulda était assuré. Ce fut donc avec l’agrément de sa mère et de son frère que la jeune fille se laissa aller sur la pente naturelle