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la bière inférieure, du lait caillé, doux ou sur, et quelquefois un peu de café, si épais qu’il ressemble plutôt à de la suie distillée qu’aux produits de Moka, de Bourbon ou de Rio-Nunez.

Chez dame Hansen, au contraire, la cave et l’office sont convenablement garnies. Que faut-il de plus aux touristes même exigeants ? Saumon cuit, salé ou fumé, « hores », saumons des lacs qui n’ont jamais connu les eaux amères, poissons des cours d’eau du Telemark, volailles ni trop dures ni trop maigres, œufs à toutes sauces, fines galettes de seigle et d’orge, fruits, et plus particulièrement des fraises, pain bis, mais d’excellente qualité, bière et vieilles bouteilles de ce vin de Saint-Julien qui propage jusqu’en ces contrées lointaines la renommée des crus de France.

Aussi, réputation faite, dans tous les pays du nord de l’Europe, pour l’auberge de Dal.

On peut le voir, d’ailleurs, en feuilletant le livre aux feuilles jaunâtres sur lesquelles les voyageurs signent volontiers de leur nom quelque compliment à l’adresse de dame Hansen. Pour la plupart, ce sont des Suédois, des Norvégiens, venus de tous les points de la Scandinavie.

Cependant, les Anglais y sont en grand nombre, et l’un d’eux, pour avoir attendu une heure que le sommet du Gousta se dégageât de ses vapeurs matinales, a britanniquement écrit sur une des pages :

Patientia omnia vincit.

Il y a également quelques Français, dont l’un, qu’il vaut mieux ne pas nommer, s’est permis d’écrire :

« Nous n’avons qu’à nous louer de la réception qu’on nous a « fait » dans cette auberge ! »

Peu importe la faute grammaticale, après tout ! Si la phrase est plus reconnaissante que française, elle n’en rend pas moins hommage à dame Hansen et à sa fille, la charmante Hulda du Vestfjorddal.