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frritt-flacc.

Tous deux remontent ainsi jusqu’au détour du chemin, entre les dunes vallonnées, dont les genêts et les ajoncs s’entrechoquent avec un cliquetis de baïonnettes.

Le chien s’était rapproché de son maître et semblait lui dire :

« Hein ! Cent vingt fretzers à mettre dans le coffre-fort ! C’est ainsi que l’on fait fortune ! Une mesure de plus à l’enclos de la vigne ! Un plat de plus au souper du soir ! Une pâtée de plus au fidèle Hurzof ! Soignons les riches malades et saignons-les … à leur bourse ! »

En cet endroit, la vieille s’arrête. De son doigt tremblant elle montre, dans l’ombre, une lumière rougeâtre. C’est la maison de Vort Kartif, le craquelinier.

« Là ? fait le docteur.

— Oui, répond la vieille.

— Harraouh ! » pousse le chien Hurzof.

Tout à coup, le Vanglor détonne, secoué jusque dans les contreforts de sa base. Une gerbe de flammes fuligineuses monte jusqu’au zénith, trouant les nuages. Le docteur Trifulgas a été renversé d’un coup.

Il jure comme un chrétien, se relève, regarde.

La vieille n’est plus derrière lui. A-t-elle disparu dans quelque entrouverture du sol, ou s’est-elle envolée à travers le flottement des brumes !

Quant au chien, il est toujours là, debout sur ses pattes de derrière, la gueule ouverte, la lanterne éteinte.

« Allons toujours ! » murmure le docteur Trifulgas.

L’honnête homme a reçu ses cent vingt fretzers. Il faut bien les gagner.


VI


Plus qu’un point lumineux, à une demi-kertze. C’est la lampe du mourant, — du mort peut-être. Voilà bien la maison du craquelinier. L’aïeule l’a indiquée du doigt. Pas d’erreur possible.

Au milieu des Frritts sifflants, des Flaccs crépitants, dans le brouhaha de la tourmente, le docteur Trifulgas marche à pas pressés.