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le numéro 9672.

jusqu’au quatre-vingt-dix-neuvième, lequel était de neuf mille. La troisième série, on ne l’a pas oublié, se composait uniquement du gros lot.

Le numéro 72521 gagna un lot de cinq mille marks. Ce billet était celui d’un brave marinier du port, qui fut acclamé par toute l’assistance et supporta très dignement ces acclamations.

Un autre numéro, le 823752, gagna six mille marks. Et quelle fut la joie de Sylvius Hog, lorsque Joël lui apprit qu’il appartenait à la charmante Siegfrid, de Bamble !

Mais alors il se produisit un incident, et tout le public éprouva une émotion qui se traduisit par des murmures. Lorsqu’on tira le quatre-vingt-dix-septième lot – celui de sept mille marks – on put croire un instant que Sandgoïst allait être favorisé par le sort, au moins pour ce lot.

En effet, le numéro qui le gagna fut le 9627. Il ne s’en était fallu que de quarante-cinq points que ce ne fût celui d’Ole Kamp !

Les deux tirages suivants donnèrent des numéros très éloignés : 775 et 76287.

La deuxième série était close. Il ne restait plus à tirer que le dernier lot de cent mille marks.

En ce moment, l’agitation des spectateurs devint extraordinaire, et il serait assez difficile d’en reproduire l’intensité.

Ce fut d’abord un long murmure, qui se propagea de la grande salle dans les cours et jusque dans les rues. Quelques minutes se passèrent même, sans qu’il parvînt à se calmer. Cependant le decrescendo se fit peu à peu, et un profond silence le suivit. On eût dit que toute l’assistance était figée. Il y avait dans ce calme une certaine quantité de stupeur – qu’on nous permette cette comparaison – de cette stupeur qu’on éprouve au moment où un condamné paraît sur la place de l’exécution. Mais, cette fois, le patient, encore inconnu, n’était condamné qu’à gagner cent mille marks, non à perdre la tête, à moins qu’il ne la perdit de joie.

Joël, les bras croisés, regardait vaguement devant lui, étant le moins émotionné peut-être de toute cette foule. Hulda assise, comme repliée en elle-même, ne songeait qu’à son pauvre Ole. Elle le cherchait instinctivement du regard, comme s’il eût dû apparaître au dernier moment !