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un billet de loterie.

avec plusieurs milliers de fiords qui permettent à la mer de gronder au pied de ses montagnes.

Le Telemark est compris dans cette portion renflée de l’énorme cornue que figure la Norvège entre Bergen et Christiania. Ce bailliage – une dépendance de la préfecture de Batsberg – a des montagnes et des glaciers comme la Suisse, mais ce n’est pas la Suisse. Il a des chutes grandioses comme le Nord-Amérique, mais ce n’est pas l’Amérique. Il a des paysages avec des maisons peintes et des processions d’habitants, vêtus de costumes d’un autre âge, comme certains bourgs de la Hollande, mais ce n’est pas la Hollande. Le Telemark, c’est mieux que tout cela, c’est le Telemark, contrée peut-être unique au monde par les beautés naturelles qu’elle renferme. L’auteur a eu le plaisir de le visiter. Il l’a parcouru en kariol avec des chevaux pris aux relais de poste – quand il s’en trouvait. Il en a rapporté une impression de charme et de poésie, si vivace encore dans son souvenir, qu’il voudrait pouvoir en imprégner ce simple récit.

À l’époque où se passe cette histoire – en 1862 – la Norvège n’était pas encore sillonnée par le chemin de fer qui permet actuellement d’aller de Stockholm à Drontheim par Christiania. Maintenant un immense lien de rails est tendu à travers ces deux pays scandinaves, peu enclins à vivre d’une vie commune. Mais, enfermé dans les wagons de ce chemin de fer, si le voyageur va plus vite qu’en kariol, il ne voit plus rien de l’originalité des routes d’autrefois. Il perd la traversée de la Suède méridionale par le curieux canal de Gotha, dont les steam-boats, s’élevant d’écluse en écluse, grimpent à trois cents pieds de hauteur. Enfin, il ne s’arrête ni aux chutes de Trolletann, ni à Drammen, ni à Kongsberg, ni devant toutes les merveilles du Telemark.

À cette époque, le railway n’était qu’en projet. Quelque vingt ans devaient s’écouler encore avant qu’on pût traverser le royaume scandinave d’un littoral à l’autre – en quarante heures – et aller jusqu’au cap Nord, avec billets d’aller et retour pour le Spitzberg.

Or, précisément, Dal était alors – et qu’il le soit longtemps ! – ce point central qui attirait les touristes étrangers ou indigènes, ces derniers, pour la plupart, étudiants de Christiania. De là, ils peuvent se disperser sur toute la