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seconde patrie.

extrême prudence… Que des sauvages malais ou australiens aient débarqué sur le littoral de l’est, cela me paraît improbable… mais l’océan Indien est fréquenté par des pirates, et il y aurait tout à redouter de leur part…

— Oui… ajouta Mme  Zermatt, et mieux vaut que ce navire s’éloigne si…

— J’irai moi-même, déclara M. Zermatt. Avant d’entrer en communication avec ces étrangers, il faut savoir à qui on a affaire. »

Ce plan était sage. Il ne restait plus qu’à l’exécuter. Or, par une véritable malchance, le temps se modifia dès les premières heures de cette matinée. Après avoir molli, le vent venait de haler l’ouest et fraîchissait sensiblement. Le caïak n’aurait pu se risquer dans la baie, même s’il ne se fût agi que de gagner l’îlot du Requin. Le ciel s’était couvert de nuages qui se levaient du couchant, — de ces nuages de bourrasque dont un marin se défie toujours.

Mais, à défaut du kaïak, fallût-il perdre une heure ou deux en préparatifs, ne pouvait-on employer la chaloupe, bien que la houle dût être violente au delà du goulet ?…

À son vif désappointement, M. Zermatt dut y renoncer. Avant midi, une véritable tempête soulevait les eaux de la baie du Salut et la reniait impraticable. Si ce brusque changement de temps ne pouvait se prolonger à cette époque, du moins contrecarrait-il tous les projets, et pour peu que la tourmente durât vingt-quatre