Page:Verne - Seconde Patrie, 1900.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

22
seconde patrie.

habité ?… Le canon, c’est la grande voix des navires qui traverse les longues distances, et cette voix venait de se faire entendre pour la première fois depuis que la batterie de l’îlot du Requin saluait le départ et le retour de la belle saison !… Il semblait que cette éventualité, sur laquelle ils ne comptaient plus, prit au dépourvu M. Zermatt et les siens, comme si ce bâtiment eût parlé une langue qu’ils avaient cessé de comprendre.

Cependant ils se ressaisirent et ne songèrent qu’aux bons côtés de cette situation nouvelle. Ce bruit lointain, arrivé jusqu’à eux, ce n’était plus un de ces bruits de la nature dont ils avaient depuis si longtemps l’habitude, le craquement des arbres sous la violence des bourrasques, les fracas de la mer démontée par la tempête, les éclats de la foudre pendant les puissants orages de cette zone intertropicale… Non !… Ce bruit était dû à la main de l’homme !… Le capitaine, l’équipage du bâtiment qui passait au large ne pouvaient plus croire que cette terre fût inhabitée… S’ils relâchaient dans la baie, leur pavillon saluerait le pavillon de la Nouvelle-Suisse !

Aussi tous ne virent là que la certitude d’une prochaine délivrance. Mme  Zermatt se sentait exempte des craintes de l’avenir… Jenny songeait à son père qu’elle désespérait de jamais revoir… M. Zermatt et ses fils se retrouvaient au milieu de leurs semblables… Et alors tous