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seconde patrie.

sortir de l’enclos, se frottant les yeux et se détirant les membres.

— Alors, c’est parce que nous partons sans avoir déjeuné, n’est-ce pas, mon gourmand d’Ernest ?… » dit Jack.

C’était une allusion au péché mignon de son frère, soucieux avant tout de la question de nourriture et grand amateur de bons morceaux.

« Non, répondit Ernest, il ne s’agit pas de cela. Notre père veut seulement vous rappeler que l’habitude est de tirer chaque année, à cette époque, les deux pièces de la batterie du Requin…

— Justement », répliqua M. Zermatt.

En effet, l’un des jours de la seconde quinzaine d’octobre, après la saison des pluies, Fritz et Jack avaient coutume de gagner l’îlot à l’entrée de la baie du Salut, de rehisser le pavillon de la Nouvelle- Suisse, de le saluer de deux coups de canon que l’on entendait assez distinctement de Felsenheim. Puis, sans grand espoir, plutôt machinalement, ils parcouraient du regard la mer et le littoral… Peut-être un navire, traversant ces parages, entendrait-il les deux détonations ?… Peut-être ne tarderait-il pas à venir en vue de la baie ?… Peut-être même des naufragés avaient-ils été jetés sur quelque point de cette terre qu’ils devaient croire inhabitée, et, ces décharges d’artillerie leur donneraient-elles l’éveil ?…

« C’est exact, dit Fritz, nous allions oublier