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seconde patrie.

Puis elle commença à remonter, vent arrière, en tenant le milieu du chenal.

La distance d’un bord à l’autre ne mesurait pas moins de deux cent cinquante à trois cents pieds. Si loin que le regard pût suivre les rives, il ne paraissait pas qu’elles tendissent à se rapprocher. À droite se continuait le parement de la falaise, qui s’abaissait, tandis que le sol haussait graduellement par une pente insensible. À gauche, au-dessus de la berge assez basse, la vue s’étendait sur des plaines coupées de bois et de bouquets aux cimes un peu jaunies à cette époque de l’année.

Après une demi-heure de navigation assez rapide, l’Élisabeth atteignit le premier tournant de la Montrose, qui, se coudant d’une trentaine de degrés, sinuait vers le sud-ouest.

À partir de ce tournant, les berges ne dépassaient pas une hauteur de dix à douze pieds, – qui était celle des plus fortes marées. Cela se reconnaissait aux relais d’herbes laissés entre le fouillis des roseaux acérés comme des baïonnettes. Or, à cette date du 19 mars, les marées d’équinoxe atteignaient leur maximum d’élévation. On en pouvait conclure que le lit de la rivière suffisait à contenir ses eaux, et il ne semblait pas qu’elle eût jamais à se décharger de son trop-plein sur la campagne environnante.

La pinasse filait avec une vitesse de trois à quatre lieues à l’heure, ce qui lui permettrait