Page:Verne - Seconde Patrie, 1900.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

147
seconde patrie.

aussi calmes que celles d’un lac et il filait ses huit nœuds, laissant en arrière un long sillage d’écume clapotante.

Mme Zermatt, Mme Wolston et sa fille, assises sur le petit tillac, se retournaient parfois. Leurs regards parcouraient le littoral depuis Falkenhorst jusqu’à la pointe de l’Espoir-Trompé, très abaissée par l’éloignement. Tous goûtaient le charme berceur de cette rapide navigation, avec les derniers souffles chargés des fraîches senteurs de la terre.

Et quelles réflexions venaient à Betsie, et quels souvenirs rappelaient à sa mémoire ces douze ans écoulés ! Elle revoyait le bateau de cuves, improvisé pour le sauvetage, que le moindre faux coup eût fait chavirer… puis ce fragile appareil se dirigeant vers une côte inconnue avec tout ce qu’elle aimait, son mari, ses quatre fils dont le plus jeune avait cinq ans à peine… enfin elle débarquait à l’embouchure du ruisseau des Chacals, et la première tente était dressée à l’endroit qui fut Zeltheim avant d’être Felsenheim. Et quelles mortelles appréhensions, lorsque M. Zermatt et Fritz retournaient au vaisseau naufragé ! Et, voici qu’à présent, sur cette pinasse bien gréée, bien gouvernée, tenant bien la mer, c’était sans aucune crainte qu’elle prenait part à ce voyage de découverte sur la côte orientale de l’île. D’ailleurs, quels changements depuis cinq mois, et quels autres, plus importants peut-être,