Page:Verne - Robur le conquérant, Hetzel, 1904.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.

a dit Ovide pour le plus grand honneur de la créature humaine. En vérité, jamais on n’avait tant regardé le ciel depuis l’apparition de l’homme sur le globe terrestre.

Or, précisément, pendant la nuit précédente, une trompette aérienne avait lancé ses notes cuivrées à travers l’espace, au-dessus de cette portion du Canada située entre le lac Ontario et le lac Érié. Les uns avaient entendu le Yankee Doodle, les autres le Rule Britannia. De là cette querelle d’Anglo-Saxons qui se terminait par un déjeuner à Goat-Island. Peut-être, en somme, n’était-ce ni l’un ni l’autre de ces chants patriotiques. Mais ce qui n’était douteux pour personne c’est que ce son étrange avait ceci de particulier qu’il semblait descendre du ciel sur la terre.

Fallait-il croire à quelque trompette céleste, embouchée par un ange ou un archange ?… N’était-ce pas plutôt de joyeux aéronautes qui jouaient de ce sonore instrument, dont la Renommée fait un si bruyant usage ?

Non ! Il n’y avait là ni ballon, ni aéronautes. Un phénomène extraordinaire se produisait dans les hautes zones du ciel ― phénomène dont on ne pouvait reconnaître la nature ni l’origine. Aujourd’hui, il apparaissait au-dessus de l’Amérique, quarante-huit heures après au-dessus de l’Europe, huit jours plus tard, en Asie, au-dessus du Céleste Empire. Décidément, si la trompette qui signalait son passage n’était pas celle du jugement dernier, qu’était donc cette trompette ?

De là, en tous pays de la terre, royaumes ou républiques, une certaine inquiétude qu’il importait de calmer. Si vous entendiez dans votre maison quelques bruits bizarres et inexplicables, ne chercheriez-vous pas au plus vite à reconnaître la cause de ces bruits, et, si l’enquête n’aboutissait à rien, n’abandonneriez-vous pas votre maison pour en habiter une autre ? Oui, sans doute ! Mais ici, la maison, c’était le globe terrestre. Nul moyen de le quitter pour la Lune, Mars, Vénus, Jupiter, ou toute autre planète du système solaire. Il fallait donc découvrir ce qui se passait, non dans le vide infini, mais dans les zones atmosphériques. En effet, pas d’air, pas de bruit, et, comme il y avait bruit ― toujours la fameuse trompette ! ― c’est que le phénomène s’accomplissait au milieu de la couche d’air, dont la densité va toujours