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réponse s’était-elle donc fait attendre ? N’avaient-ils pas prouvé qu’un aigle, pesant cinq kilogrammes, aurait dû s’emplir de cinquante mètres cubes de ce fluide chaud, rien que pour se soutenir dans l’espace ?

C’est ce que Robur démontra avec une indéniable logique, au milieu du brouhaha qui s’élevait de toutes parts. Et, comme conclusion, voici les phrases qu’il jeta à la face de ces ballonistes :

« Avec vos aérostats, vous ne pouvez rien, vous n’arriverez à rien, vous n’oserez rien ! Le plus intrépide de vos aéronautes, John Wise, bien qu’il ait déjà fait une traversée aérienne de douze cents milles au-dessus du continent américain, a dû renoncer à son projet de traverser l’Atlantique ! Et, depuis, vous n’avez pas avancé d’un pas, d’un seul, dans cette voie !

— Monsieur, dit alors le président, qui s’efforçait vainement d’être calme, vous oubliez ce qu’a dit notre immortel Franklin, lors de l’apparition de la première montgolfière, au moment où le ballon allait naître : « Ce n’est qu’un enfant, mais il grandira ! » Et il a grandi…

― Non, président, non ! Il n’a pas grandi !… Il a grossi seulement… ce qui n’est pas la même chose ! »

C’était une attaque directe aux projets du Weldon-Institute, qui avait décrété, soutenu, subventionné, la confection d’un aérostat-monstre. Aussi des propositions de ce genre, et peu rassurantes, se croisèrent-elles bientôt dans la salle :

« À bas l’intrus !

― Jetez-le hors de la tribune !…

― Pour lui prouver qu’il est plus lourd que l’air ! »

Et bien d’autres.

Mais on n’en était qu’aux paroles, non aux voies de fait. Robur, impassible, put donc encore s’écrier :

« Le progrès n’est point aux aérostats, citoyens ballonistes, il est aux appareils volants. L’oiseau vole, et ce n’est point un ballon, c’est une mécanique !…

― Oui ! il vole, s’écria le bouillant Bat T. Fyn, mais il vole contre toutes les règles de la mécanique !