Page:Verne - Robur le conquérant, Hetzel, 1904.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tâtonnements, rien que par la sûreté du regard. Avoir le compas dans l’œil, suivant l’expression populaire, tout était là.

Uncle Prudent planta son aiguille, en même temps que Phil Evans plantait la sienne. Puis, on mesura afin de décider lequel des deux concurrents s’était le plus approché du point milieu.

Ô prodige ! Telle avait été la précision des opérateurs que les mesures ne donnèrent pas de différence appréciable. Si ce n’était pas exactement le milieu mathématique de la ligne, il n’y avait qu’un écart insensible entre les deux aiguilles et qui semblait être le même pour toutes deux.

De là, grand embarras de l’assemblée.

Heureusement, un des membres, Truk Milnor, insista pour que les mesures fussent refaites au moyen d’une règle graduée par les procédés de la machine micrométrique de M. Perreaux, qui permet de diviser le millimètre en quinze cents parties. Cette règle, donnant des quinze-centièmes de millimètre tracés avec un éclat de diamant, servit à reprendre les mesures, et, après avoir lu les divisions au moyen d’un microscope, on obtint les résultats suivants :

Uncle Prudent s’était approché du point milieu à moins de six quinze-centièmes de millimètre, Phil Evans, à moins de neuf quinze-centièmes.

Et voilà comment Phil Evans ne fut que le secrétaire du Weldon-Institute, tandis que Uncle Prudent était proclamé président du club.

Un écart de trois quinze-centièmes de millimètre, il n’en fallut pas davantage pour que Phil Evans vouât à Uncle Prudent une de ces haines qui, pour être latentes, n’en sont pas moins féroces.

À cette époque, depuis les expériences entreprises dans le dernier quart de ce dix-neuvième siècle, la question des ballons dirigeables n’était pas sans avoir fait quelques progrès. Les nacelles munies d’hélices propulsives, accrochées en 1852 aux aérostats de forme allongée d’Henry Giffard, en 1872, de Dupuy de Lôme, en 1883, de MM. Tissandier frères, en 1884, des capitaines Krebs et Renard, avaient donné certains résultats dont il convient de tenir compte. Mais si ces machines, plongées dans un milieu plus lourd qu’elles, manœuvrant sous la poussée d’une hélice, biaisant avec la ligne du vent,