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pas de chercher l’aéronef dans les hauteurs du ciel algérien. Assurément, il fut aperçu au-dessus de Tombouctou ; mais l’observatoire de cette ville célèbre, ― s’il y en a un, ― n’avait pas encore eu le temps d’envoyer en Europe le résultat de ses observations. Quant au roi du Dahomey, il aurait plutôt fait couper la tête à vingt mille de ses sujets, y compris ses ministres, que d’avouer qu’il avait eu le dessous dans sa lutte avec un appareil aérien. Question d’amour-propre.

Au-delà, ce fut l’Atlantique que traversa l’ingénieur Robur. Ce fut la Terre de Feu qu’il atteignit, puis le cap Horn. Ce furent les terres australes et l’immense domaine du pôle, qu’il dépassa, un peu malgré lui. Or, de ces régions antarctiques, il n’y avait aucune nouvelle à attendre.

Juillet s’écoula, et nul œil humain ne pouvait se vanter d’avoir même entrevu l’aéronef.

Août s’acheva, et l’incertitude au sujet des prisonniers de Robur demeura complète. C’était à se demander si l’ingénieur, à l’exemple d’Icare, le plus vieux mécanicien dont l’histoire fasse mention, n’avait pas péri victime de sa témérité.

Enfin les vingt-sept premiers jours de septembre s’écoulèrent sans résultat.

Certainement, on se fait à tout en ce monde. Il est dans la nature humaine de se blaser sur les douleurs qui s’éloignent. On oublie, parce qu’il est nécessaire d’oublier. Mais, cette fois, il faut le dire à son honneur, le public terrestre se retint sur cette pente. Non ! il ne devint point indifférent au sort de deux blancs et d’un noir, enlevés comme le prophète Élie, mais dont la Bible n’avait pas promis le retour sur la terre.

Et ceci fut plus sensible à Philadelphie qu’en tout autre lieu. Il s’y joignait, d’ailleurs, de certaines craintes personnelles. Par représailles, Robur avait arraché Uncle Prudent et Phil Evans à leur sol natal. Certes, il s’était bien vengé, quoique en dehors de tout droit. Mais cela suffirait-il à sa vengeance ? Ne voudrait-il pas l’exercer encore sur quelques-uns des collègues du président et du secrétaire du Weldon-Institute ? Et qui pouvait se dire à l’abri des atteintes de ce tout-puissant maître des régions aériennes ?