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douteux du mariage. C’étaient deux hommes bien faits pour se comprendre, mais qui ne se comprenaient pas, et tous deux, il faut bien le dire, d’une extrême violence de caractère, l’un à chaud, Uncle Prudent, l’autre à froid, Phil Evans.

Et à quoi tenait que Phil Evans n’eût été nommé président du club ? Les voix s’étaient exactement partagées entre Uncle Prudent et lui. Vingt fois on avait été au scrutin, et vingt fois la majorité n’avait pu se faire ni pour l’un ni pour l’autre. Situation embarrassante, qui aurait pu durer plus que la vie des deux candidats.

Un des membres du club proposa alors un moyen de départager les voix. Ce fut Jem Cip, le trésorier du Weldon-Institute. Jem Cip était un végétarien convaincu, autrement dit, un de ces légumistes, de ces proscripteurs de toute nourriture animale, de toutes liqueurs fermentées, moitié brahmanes, moitié musulmans, un rival des Niewman, des Pitman, des Ward, des Davie, qui ont illustré la secte de ces toqués inoffensifs.

En cette occurrence, Jem Cip fut soutenu par un autre membre du club, William T. Forbes, directeur d’une grande usine, où l’on fabrique de la glucose en traitant les chiffons par l’acide sulfurique ― ce qui permet de faire du sucre avec de vieux linges. C’était un homme bien posé, ce William T. Forbes, père de deux charmantes vieilles filles, Miss Dorothée, dite Doll, et Miss Martha, dite Mat, qui donnaient le ton à la meilleure société de Philadelphie.

Il résulta donc de la proposition de Jem Cip, appuyée par William T. Forbes et quelques autres, que l’on décida de nommer le président du club au « point milieu. »

En vérité, ce mode d’élection pourrait être appliqué en tous les cas où il s’agit d’élire le plus digne, et nombre d’Américains de grand sens songeaient déjà à l’employer pour la nomination du président de la République des États-Unis.

Sur deux tableaux d’une entière blancheur, une ligne noire avait été tracée. La longueur de chacune de ces ligues était mathématiquement la même, car on l’avait déterminée avec autant d’exactitude que s’il se fût agi de la base du