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c’est possible. En tout cas, leur président avait quelque peine à les diriger eux-mêmes.

Ce président, bien connu à Philadelphie, était le fameux Uncle Prudent, ― Prudent, de son nom de famille. Quant au qualificatif Uncle, cela ne saurait surprendre en Amérique, où l’on peut être oncle sans avoir ni neveu ni nièce. On dit Uncle, là-bas, comme, ailleurs, on dit père, de gens qui n’ont jamais fait œuvre de paternité.

Uncle Prudent était un personnage considérable, et, en dépit de son nom, cité pour son audace. Très riche, ce qui ne gâte rien, même aux États-Unis. Et comment ne l’eût-il pas été, puisqu’il possédait une grande partie des actions du Niagara-Falls ? À cette époque, une société d’ingénieurs s’était fondée à Buffalo pour l’exploitation des chutes. Affaire excellente. Les sept mille cinq cents mètres cubes que le Niagara débite par seconde, produisent sept millions de chevaux-vapeur. Cette force énorme, distribuée à toutes les usines établies dans un rayon de cinq cents kilomètres, donnait annuellement une économie de quinze cents millions de francs, dont une part rentrait dans les caisses de la Société et en particulier dans les poches de Uncle Prudent. D’ailleurs, il était garçon, il vivait simplement, n’ayant pour tout personnel domestique que son valet Frycollin, qui ne méritait guère d’être au service d’un maître si audacieux. Il y a de ces anomalies.

Que Uncle Prudent eût des amis, puisqu’il était riche, cela va de soi ; mais il avait aussi des ennemis, puisqu’il était président du club, ― entre autres, tous ceux qui enviaient cette situation. Parmi les plus acharnés, il convient de citer le secrétaire du Weldon-Institute.

C’était Phil Evans, très riche aussi, puisqu’il dirigeait la Walton Watch Company, importante usine à montres, qui fabrique par jour cinq cents mouvements à la mécanique et livre des produits comparables aux meilleurs de la Suisse. Phil Evans aurait donc pu passer pour un des hommes les plus heureux du monde et même des États-Unis, n’eût été la situation de Uncle Prudent. Comme lui, il était âgé de quarante-cinq ans, comme lui d’une santé à toute épreuve, comme lui d’une audace indiscutable, comme lui peu soucieux de troquer les avantages certains du célibat contre les avantages