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Cependant Uncle Prudent et son compagnon s’approchaient de la cabine de Frycollin, lorsque Phil Evans s’arrêta :

« L’homme de garde ! » dit-il.

Un homme, en effet, était couché près du roufle. S’il dormait, c’était à peine. Toute fuite devenait impossible au cas où il eût donné l’alarme.

En cet endroit, il y avait quelques cordes, des morceaux de toile et d’étoupe, dont on s’était servi pour la réparation de l’hélice.

Un instant après, l’homme fut bâillonné, encapuchonné, attaché à un des montants de la rambarde, dans l’impossibilité de pousser un cri ou de faire un mouvement.

Tout cela s’était passé presque sans bruit.

Uncle Prudent et Phil Evans écoutèrent… Le silence ne fut aucunement troublé à l’intérieur des roufles. Tous dormaient à bord.

Les deux fugitifs ― ne peut-on déjà leur donner ce nom ? ― arrivèrent devant la cabine occupée par Frycollin. François Tapage faisait entendre un ronflement digne de son nom, ce qui était rassurant.

À sa grande surprise, Uncle Prudent n’eut point à pousser la porte de Frycollin. Elle était ouverte. Il s’introduisit à demi dans la cabine ; puis, se retirant :

« Personne ! dit-il.

― Personne !… Où peut-il être ? » murmura Phil Evans.

Tous deux rampèrent jusqu’à l’avant, pensant que Frycollin dormait peut-être dans quelque coin…

Personne encore.

« Est-ce que le coquin nous aurait devancés ?… dit Uncle Prudent.

― Qu’il l’ait fait ou non, répondit Phil Evans, nous ne pouvons attendre plus longtemps ! Partons ! »

Sans hésiter, l’un après l’autre, les fugitifs saisirent le câble des deux mains, s’y assujettirent des deux pieds ; puis, se laissant glisser, ils arrivèrent à terre sains et saufs.

Quelle jouissance ce fut pour eux de fouler ce sol qui leur manquait depuis si longtemps, de marcher sur un terrain solide, de ne plus être les jouets de l’atmosphère !