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À une heure du matin, le vent s’établit avec une extrême violence. Cependant, bien qu’il l’eût alors debout, l’aéronef, mû par ses propulseurs, put gagner encore contre lui et remonter à raison de quatre à cinq lieues par heure. Mais il n’aurait pas fallu lui demander davantage.

Très évidemment il se préparait un coup de cyclone, ― ce qui est rare sous ces latitudes. Qu’on le nomme hurracan sur l’Atlantique, typhon dans les mers de Chine, simoun au Sahara, tornade sur la côte occidentale, c’est toujours une tempête tournante ― et redoutable. Oui ! redoutable pour tout bâtiment, saisi par ce mouvement giratoire qui s’accroît de la circonférence au centre et ne laisse qu’un seul endroit calme, le milieu de ce Maelström des airs.

Robur le savait. Il savait aussi qu’il était prudent de fuir un cyclone, en sortant de sa zone d’attraction par une ascension vers les couches supérieures. Jusqu’alors il y avait toujours réussi. Mais il n’avait pas une heure à perdre, pas une minute peut-être !

En effet la violence du vent s’accroissait sensiblement. Les lames, découronnées à leurs crêtes, faisaient courir une poussière blanche à la surface de la mer. Il était manifeste, aussi, que le cyclone, en se déplaçant, allait tomber vers les régions du pôle avec une vitesse effroyable.

« En haut ! dit Robur.

― En haut ! » répondit Tom Turner.

Une extrême puissance ascensionnelle fut communiquée à l’aéronef, et il s’éleva obliquement, comme s’il eût suivi un plan qui se fût incliné dans le sud-ouest.

En ce moment, le baromètre baissa encore, ― une chute rapide de la colonne de mercure de huit, puis de douze millimètres. Soudain l’Albatros s’arrêta dans son mouvement ascensionnel.

À quelle cause était dû cet arrêt ? Évidemment à une pesée de l’air, à un formidable courant, qui, se propageant de haut en bas, diminuait la résistance du point d’appui.

Lorsqu’un steamer remonte un fleuve, son hélice produit un travail d’autant moins utile que le courant tend à fuir sous ses branches. Le recul est alors