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L’électricité devait être la cause de ce phénomène, car on ne pouvait l’attribuer à la présence d’un banc de frai de poissons ou d’une nappe de ces animalcules dont l’accumulation produit la phosphorescence.

Cela donnait à supposer que la tension électrique de l’atmosphère devait être alors très considérable.

Et, en effet, le lendemain, 19 juillet, un bâtiment se fût peut-être trouvé en perdition sur cette mer. Mais l’Albatros se jouait des vents et des lames, semblable au puissant oiseau dont il portait le nom. S’il ne lui plaisait pas de se promener à leur surface comme les pétrels, il pouvait, comme les aigles, trouver dans les hautes couches le calme et le soleil.

À ce moment, le quarante-septième parallèle sud avait été dépassé. Le jour ne durait pas plus de sept à huit heures. Il devait diminuer à mesure qu’on approcherait des régions antarctiques.

Vers une heure de l’après-midi, l’Albatros s’était sensiblement abaissé pour chercher un courant plus favorable. Il volait au-dessus de la mer à moins de cent pieds de sa surface.

Le temps était calme. En de certains endroits du ciel, de gros nuages noirs, mamelonnés à leur partie supérieure, se terminaient par une ligne rigide, absolument horizontale. De ces nuages s’échappaient des protubérances allongées, dont la pointe semblait attirer l’eau qui bouillonnait au-dessous en forme de buisson liquide.

Tout à coup, cette eau s’élança, affectant la forme d’une énorme ampoulette.

En un instant, l’Albatros fut enveloppé dans le tourbillon d’une gigantesque trombe, à laquelle une vingtaine d’autres, d’un noir d’encre, vinrent faire cortège. Par bonheur, le mouvement giratoire de cette trombe était inverse de celui des hélices suspensives, sans quoi celles-ci n’auraient plus eu d’action, et l’aéronef eût été précipité dans la mer ; mais il se mit à tourner sur lui-même avec une effroyable rapidité.

Cependant le danger était immense et peut-être impossible à conjurer, puisque l’ingénieur ne pouvait se dégager de la trombe dont l’aspiration le retenait en dépit des propulseurs. Les hommes, projetés par la force centri-