― Eh bien, non, président du Weldon-Institute ! Je préfère de beaucoup vous garder vivant !
― Pour être plus sûr de vivre vous-même ! Cela est sage !
― Sage ou non, c’est ce qui me convient. Libre à vous de penser autrement et de vous plaindre à qui de droit, si vous le pouvez.
― C’est fait, ingénieur Robur !
― Vraiment ?
― Était-il donc si difficile, lorsque nous traversions les parties habitées de l’Europe, de laisser tomber un document…
― Vous auriez fait cela ? dit Robur, emporté par un irrésistible mouvement de colère.
― Et si nous l’avions fait ?
― Si vous l’aviez fait… vous mériteriez…
― Quoi donc, monsieur l’ingénieur ?
― D’aller rejoindre votre document par-dessus le bord !
― Jetez-nous donc ! s’écria Uncle Prudent. Nous l’avons fait ! »
Robur s’avança sur les deux collègues. À un geste de lui, Tom Turner et quelques-uns de ses camarades étaient accourus. Oui ! l’ingénieur eut une furieuse envie de mettre sa menace à exécution, et, sans doute, de peur d’y succomber, il rentra précipitamment dans sa cabine.
« Bien ! dit Phil Evans.
― Et ce qu’il n’a pas osé faire, répondit Uncle Prudent, je l’oserai, moi ! Oui ! je le ferai ! »
En ce moment, la population de Tombouctou s’amassait au milieu des places, à travers les rues, sur les terrasses des maisons bâties en amphithéâtre. Dans les riches quartiers de Sankore et de Sarahama, comme dans les misérables huttes coniques du Raguidi, les prêtres lançaient du haut des minarets leurs plus violentes malédictions contre le monstre aérien. C’était plus inoffensif que des balles de fusils.
Il n’était pas jusqu’au port de Kabara, situé dans le coude du Niger, où le personnel des flottilles ne fût en mouvement. Certes, si l’Albatros eût pris terre, il aurait été mis en pièces.