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Alors se leva un brouillard très dense, que l’aéronef dut laisser au-dessous de lui. Ce n’est pas qu’il eût besoin de dominer ces vapeurs pour se diriger. À l’altitude qu’il occupait, aucun obstacle à craindre, ni monuments élevés qu’il eût pu heurter à son passage, ni montagnes contre lesquelles il aurait couru le risque de se briser dans son vol. Le pays n’était que peu accidenté. Mais ces vapeurs ne laissaient pas d’être fort désagréables, et tout eût été mouillé à bord.

Il n’y avait donc qu’à s’élever au-dessus de cette couche de brumes dont l’épaisseur mesurait trois à quatre cents mètres. Aussi les hélices furent-elles plus rapidement actionnées, et, au delà du brouillard, l’Albatros retrouva les régions ensoleillées du ciel.

Dans ces conditions, Uncle Prudent et Phil Evans auraient eu quelque peine à donner suite à leurs projets d’évasion, en admettant qu’ils eussent pu quitter l’aéronef.

Ce jour-là, au moment où Robur passait près d’eux, il s’arrêta un instant, et, sans avoir l’air d’y attacher aucune importance :

« Messieurs, dit-il, un navire à voile ou à vapeur, perdu dans des brumes dont il ne peut sortir, est toujours fort gêné. Il ne navigue plus qu’au sifflet ou à la corne. Il lui faut ralentir sa marche, et, malgré tant de précautions, à chaque instant une collision est à craindre. L’Albatros n’éprouve aucun de ces soucis. Que lui font les brumes, puisqu’il peut s’en dégager ? L’espace est à lui, tout l’espace ! »

Cela dit, Robur continua tranquillement sa promenade, sans attendre une réponse qu’il ne demandait pas, et les bouffées de sa pipe se perdirent dans l’azur.

« Uncle Prudent, dit Phil Evans, il paraît que cet étonnant Albatros n’a jamais rien à craindre !

― C’est ce que nous verrons ! » répondit le président du Weldon-Institute.

Le brouillard dura trois jours, les 19, 20, 21 juin, avec une persistance regrettable. Il avait fallu s’élever pour éviter les montagnes japonaises de Fousi-Zama. Mais, ce rideau de brumes s’étant déchiré, on aperçut une