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p’tit-bonhomme.

Carker, surtout, ne tarissait pas à cet égard, et il y mettait un acharnement qui s’expliquait par sa perversité.

« Tu ne veux pas demander la charité ? lui dit-il un jour.

— Non, répondit d’une voix ferme P’tit-Bonhomme.

— Eh bien, sotte bête, on ne demande pas… on prend !

— Prendre ?…

— Oui !… Quand on voit un monsieur bien mis, avec un mouchoir qui sort de sa poche, on s’approche, on tire adroitement le mouchoir, et il vient tout seul.

— Laisse-moi, Carker !

— Et quelquefois, il y a un porte-monnaie qui arrive avec le mouchoir…

— C’est voler, cela !

— Et ce n’est pas des coppers qu’on trouve dans ces porte-monnaies de riches, ce sont des shillings, des couronnes, et aussi des pièces d’or, et on les rapporte, on les partage avec les camarades, mauvais propre à rien !

— Oui, dit un autre, et on fait la nique aux policemen en s’ensauvant.

— Ensuite, ajouta Carker, quand on irait en prison, qu’est-ce que ça fait ? On y est aussi bien qu’ici — et même mieux. On vous y donne du pain, de la soupe aux pommes de terre, et on mange tout son content.

— Je ne veux pas… je ne veux pas ! » répétait l’enfant, en se débattant au milieu de ces vauriens, qui se le renvoyaient de l’un à l’autre comme une balle.

Grip, étant entré dans la salle, se hâta de l’arracher des mains de la bande.

« Allez-vous m’laisser ce P’tit tranquille ! » s’écria-t-il en serrant les poings.

Cette fois, il était vraiment en colère, Grip.

« Tu sais, dit-il à Carker, j’tape pas souvent, n’est-ce pas, mais quand je m’mets à taper… »