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p’tit-bonhomme.

— Toi ?… méchant ?… Non… j’crois pas !

— Alors, je ne serai pas brûlé ?…

— Pas même d’un ch’veu !

— Ni toi, Grip ?…

— Ni moi… bien sûr ! »

Et Grip crut bon d’ajouter qu’il n’en valait pas la peine, étant si maigre qu’il n’eût fait qu’une flambée.

Voilà tout ce que P’tit-Bonhomme savait de Dieu, tout ce qu’il avait appris du catéchisme. Et pourtant, dans la simplicité, dans la naïveté de son âge, il sentait confusément ce qui était bien et ce qui était mal. Mais, s’il ne devait pas être puni suivant les préceptes de la vieille femme de la ragged-school, il risquait fort de l’être suivant les préceptes de M. O’Bodkins.

En effet, M. O’Bodkins n’était guère content. P’tit-Bonhomme ne figurait pas sur ses livres à la colonne des recettes tout en figurant à la colonne des dépenses. Voilà un gamin qui coûtait… Oh ! pas grand-chose, M. O’Bodkins ! — et qui ne produisait pas ! Au moins les autres, mendiant et rapinant, subvenaient-ils en partie aux frais de logement et de nourriture, tandis que cet enfant ne rapportait rien.

Un jour, M. O’Bodkins lui en fit de très vifs reproches, en dardant sur lui un regard sévère à travers ses lunettes.

P’tit-Bonhomme eut assez de force pour ne point pleurer, en recevant cette admonestation que M. O’Bodkins lui adressait au double titre de comptable et de directeur.

« Tu ne veux rien faire ?… lui dit-il.

— Si, monsieur, répliqua l’enfant. Dites-moi… que voulez-vous que je fasse ?

— Quelque chose qui paye ce que tu coûtes !

— Je voudrais bien, mais je ne sais pas.

— On suit les gens dans la rue… on leur demande des commissions…

— Je suis trop petit, et on ne veut pas.