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p’tit-bonhomme.

Mac Carthy et Sissy, sa compagne chez la Hard, étaient les seuls à occuper le souvenir de P’tit-Bonhomme. De l’horrible mégère du hameau de Rindok, du farouche Thornpipe, de l’auguste famille des Piborne, il n’avait le moindre souci. Quant à miss Anna Waston, il s’étonnait de ne pas l’avoir encore vue réapparaître sur l’un des théâtres de Dublin. Serait-il allé lui rendre visite ? Peut-être oui, peut-être non. Dans tous les cas, il n’avait pas eu à se prononcer, car, après la malencontreuse scène de Limerick, la célèbre comédienne s’était décidée à quitter l’Irlande et même la Grande-Bretagne, pour une « tournée bernardhtienne » à l’étranger.

« Et Carker… est-il pendu ? »

Telle était l’invariable question que Grip faisait à chaque retour du Vulcan, lorsqu’il remettait le pied dans les magasins des Petites-Poches. Invariablement, on lui répondait qu’on n’avait point entendu parler de Carker. Grip fouillait alors les vieux journaux, sans rien trouver qui eût rapport « au plus fameux garnement de la ragged-school ! »

« Attendons ! disait-il, faut d’la patience !

— Mais pourquoi Carker ne serait-il pas devenu un estimable garçon ? lui demanda un jour M. O’Brien.

— Lui, s’écria Grip, lui… c’coquin ?… Mais ce s’rait à dégoûter d’être honnête ! »

Et Kat qui connaissait l’histoire des déguenillés de Galway, partageait l’opinion de Grip. D’ailleurs, la brave femme et le chauffeur s’entendaient au mieux — excepté sur ce point : c’est que Kat pressait Grip d’abandonner la navigation, et que Grip se refusait obstinément aux désirs de Kat. De là des discussions à faire grelotter les vitres de la cuisine. Aussi, vers la fin de l’année, la question n’avait-elle pas avancé d’un pas, et le chauffeur était reparti sur le Vulcan dont — à l’entendre — il allumait les feux « rien qu’en les r’gardant ! »

On était au 25 novembre, en plein hiver déjà. Il tombait de gros flocons de neige que la brise promenait en tourbillonnant au ras