Page:Verne - P’tit-bonhomme, Hetzel, 1906.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
399
comme on se retrouve.

Il suit de là qu’au Little Boy and Co, on fut obligé de prendre un commis pour tenir les écritures. M. O’Brien procura un ancien comptable, M. Balfour, dont il répondait, et qui connaissait la partie à fond. Mais enfin ce n’était pas Grip !…

L’année se termina dans d’excellentes conditions, et l’inventaire, établi par le susdit Balfour, donna, tant en marchandises qu’en argent placé à la Banque d’Irlande, ce superbe total d’un millier de livres.

À cette époque — janvier 1885 — P’tit-Bonhomme venait d’entrer dans sa quatorzième année, et Bob avait neuf ans et demi. Bien portants, vigoureux pour leur âge, ils ne se ressentaient aucunement des misères d’autrefois. C’était un sang généreux, le sang gaélique, qui coulait dans leurs veines, comme le Shannon, la Lee ou la Liffey coulent à travers l’Irlande — pour la vivifier.

Le bazar était en pleine prospérité. Manifestement, P’tit-Bonhomme marchait vers la fortune. Aucun doute à ce sujet, ses affaires n’étant pas de nature à le jeter dans des spéculations hasardeuses. Sa prudence naturelle l’eût retenu d’ailleurs, bien qu’il ne fût point « homme » — appliquons-lui ce mot — à laisser échapper quelque bonne occasion, si elle se présentait.

Cependant, le sort des Mac Carthy ne cessait de l’inquiéter. Sur le conseil de M. O’Brien, il avait écrit en Australie, à Melbourne. D’après la réponse de l’agent d’émigration, on avait perdu les traces de la famille — ce qui n’est que trop fréquent en cet immense pays dont les régions centrales étaient presque inconnues à cette époque. Sans capitaux, il est probable que M. Martin et ses enfants n’avaient pu trouver du travail que dans ces lointaines fermes où se fait en grand l’élevage des moutons !… En quelle province, en quel district de ce vaste continent ?…

On ne savait rien non plus de Pat, depuis qu’il avait quitté la maison Marcuard, et il n’était pas impossible qu’il eût rejoint ses parents en Australie.

Il va sans dire que, de tous ceux qu’il avait connus autrefois, les