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ragged-scool.

nous le répétons, supportait cela avec une très philosophique résignation.

« Grip !… lui disait parfois P’tit-Bonhomme.

— Qu’veux-tu ?

— Il est bien méchant, Carker !

— Certes… bien méchant.

— Pourquoi ne tapes-tu pas dessus ?…

— Taper ?…

— Et aussi sur les autres ? »

Grip haussait les épaules.

« Est-ce que tu n’es pas fort, Grip ?…

— J’sais pas.

— Tu as pourtant de grands bras, de grandes jambes… »

Oui, il était grand, Grip, et maigre comme une tige de paratonnerre.

« Eh bien, Grip, pourquoi que tu ne les calottes pas, ces mauvaises bêtes ?

— Bah ! ça n’vaut pas la peine !

— Ah ! si j’avais tes jambes et tes bras…

— Ce qui vaudrait mieux, p’tit, répondait Grip, ce s’rait de s’en servir pour travailler.

— Tu crois ?…

— Sûr.

— Eh bien !… nous travaillerons ensemble !… Dis ?… nous essaierons… veux-tu ?… »

Grip voulait bien.

Quelquefois tous deux sortaient. Grip emmenait l’enfant, lorsqu’il était envoyé en course. Il était misérablement vêtu, P’tit-Bonhomme, des nippes à peine à sa taille, sa culotte trouée, sa veste effilochée, sa casquette sans fond, aux pieds des brogues en cuir de vache, dont la semelle ne tenait que par un bout de corde. Grip, habillé lui-même de haillons, ne valait pas mieux. Les deux faisaient la paire. Cela allait encore, par le beau temps ; mais le beau temps, au milieu des comtés du nord de l’Irlande, est aussi rare qu’un bon repas