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p’tit-bonhomme.

« Et d’puis quand qu’vous êtes à Dublin ? demanda Grip, qui les tenait un sous chaque bras.

— Depuis hier au soir, répondit P’tit-Bonhomme.

— Seul’ment ?… Je vois, mon boy, que t’as mis quèqu’façon à t’décider…

— Non, Grip, et, après ton départ, j’avais pris la résolution de quitter Cork.

— Bon… il y a d’çà trois mois déjà… et j’ai eu l’temps d’aller deux fois en Amérique et d’en r’venir. Chaqu’fois que je m’suis r’trouvé à Dublin, j’ai couru la ville, espérant t’rencontrer… Pas l’moind’ P’tit-Bonhomme… pas l’ombre de c’mousse d’Bob ni d’cett’ bonn’ bête de Birk !… Alors j’t’ai écrit… T’as pas reçu ma lettre ?…

— Non, Grip, et cela tient à ce que nous ne devions plus être à Cork quand elle est arrivée. Il y a deux mois que nous nous sommes mis en route.

— Deux mois ! s’écria Grip. Ah ça ! què train qu’vous avez donc pris pour v’nir ?

— Quel train ? répliqua Bob, en regardant le chauffeur d’un œil rayonnant de malice. Eh ! le train de nos jambes.

— Vous avez fait tout’ la route à pied ?…

À pied et par le grand tour.

— Deux mois d’voyage ! s’écria Grip.

— Qui ne nous a rien coûté, dit Bob.

— Et qui nous a même rapporté une jolie somme ! » ajouta P’tit-Bonhomme.

Il fallut faire à Grip le récit de cette fructueuse expédition, la charrette traînée par Birk, la vente des divers articles dans les villages et dans les fermes, la spéculation des oiseaux — une idée de Bob, s’il vous plaît…

Et les prunelles de monsieur Bob scintillaient comme deux pointes de braise.

Puis, ce fut la halte à Bray, la rencontre de l’héritier des Piborne, la mauvaise action du jeune comte, et ce qui s’en suivit.