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p’tit-bonhomme.

À peine débarqué sur le quai de Queenstown, P’tit-Bonhomme avisa une auberge, à l’enseigne de Old-Seeman, toute disposée, semblait-il, à les recevoir.

À la porte, dans un baquet, une demi-douzaine de crustacés remuaient leurs pinces et leurs pattes, en attendant l’heure du bouillon final, si quelque consommateur voulait y mettre le prix. D’une table, placée près de la fenêtre, on ne perdrait pas de vue les navires amarrés aux estacades du port.

P’tit-Bonhomme et Bob allaient donc entrer dans ce lieu de délices, lorsque leur attention fut attirée par un grand bâtiment, arrivé de la veille, en relâche à Queenstown, et qui procédait à sa toilette dominicale.

C’était le Vulcan, un steamer de huit à neuf cents tonneaux, venant d’Amérique, et devant repartir le lendemain pour Dublin. C’est, du moins, ce qu’un vieux matelot, coiffé d’un suroît jaunâtre, répondit aux questions qui lui furent posées.

Or, tous deux examinaient ce navire, mouillé à une demi-encablure, lorsqu’un grand garçon, la figure encharbonnée, les mains noires, s’approcha de P’tit-Bonhomme, le regarda, ouvrit une large bouche, ferma les yeux, puis s’écria :

« Toi… toi !… c’est toi ? »

P’tit-Bonhomme demeura interloqué, et Bob ne le fut pas moins. Cet individu qui le tutoyait !… Et un nègre, qui plus est !… Pas de doute, il y avait erreur.

Mais voici que le prétendu nègre, tournant et retournant la tête, devint encore plus démonstratif.

« C’est moi… Tu ne me reconnais pas ?… C’est moi… La ragged-school… Grip !…

— Grip ! » répéta P’tit-Bonhomme.

C’était Grip, et ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre, échangeant leurs baisers avec une telle effusion que P’tit-Bonhomme en sortit noir comme un charbonnier.

Quelle joie de se revoir ! L’ancien surveillant de la ragged-school