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p’tit-bonhomme.

Puis, au milieu de son bavardage, voici que la figure intelligente de Bob changea soudain, ses yeux si vifs s’éteignirent, il devint tout pâle.

« Qu’y a-t-il, lui demanda P’tit-Bonhomme.

— Tu ne vas pas me laisser seul ! » murmura-t-il.

C’était là sa grande crainte.

« Non, Bob.

— Alors… tu m’emmènes ?…

— Oui… où je vais ! »

Où ?… Bob ne tenait même pas à le savoir, pourvu que P’tit-Bonhomme l’emmenât avec lui.

« Mais ta maman… ton papa… à toi ?…

— Je n’en ai pas…

— Ah ! fit Bob, je t’aimerai bien !

— Moi aussi, mon boy, et nous tâcherons de nous arranger tous les deux.

— Oh ! tu verras comme je cours après les voitures, s’écria Bob, et les coppers qu’on me jettera, je te les donnerai ! »

Ce gamin n’avait jamais fait d’autre métier.

« Non, Bob, il ne faudra plus courir après les voitures.

— Pourquoi ?…

— Parce que ce n’est pas bien de mendier.

— Ah !… fit Bob, qui resta songeur.

— Dis-moi, as-tu de bonnes jambes ?

— Oui… mais pas grandes encore !

— Eh bien, nous allons faire une longue trotte aujourd’hui pour coucher ce soir à Cork.

À Cork ?…

— Oui… une belle ville de là-bas… avec des bateaux…

— Des bateaux… je sais…

— Et puis la mer ?… As-tu vu la mer ?…

— Non.

— Tu la verras ! Ça s’étend loin, loin !… En route !… »