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p’tit-bonhomme.

« Je voudrais savoir ce qui les met en mouvement, dit alors le boulanger.

— C’est le diable ! répliqua un vieux matelot.

— Oui ! le diable ! » s’écrièrent quelques matrones à demi convaincues, qui se signèrent, en tournant la tête vers le curé, lequel regardait d’un air pensif.

« Comment voulez-vous que le diable puisse tenir à l’intérieur de cette caisse ? fit observer un jeune commis, connu pour ses naïvetés. Il est de grande taille… le diable…

— S’il n’est pas dedans, il est dehors ! riposta une vieille commère. C’est lui qui nous montre le spectacle…

— Non, répondit gravement le droguiste, vous savez bien que le diable ne parle pas l’Irlandais ! »

Or, c’est là une de ces vérités que Paddy admet sans conteste, et il fut constant que Thornpipe ne pouvait être le diable, puisqu’il s’exprimait en pure langue du pays.

Décidément, si le sortilège n’entrait pour rien en cette affaire, il fallait admettre qu’un mécanisme interne donnait le mouvement à ce petit monde de cabotins. Cependant personne n’avait vu Thornpipe remonter le ressort. Et même — particularité qui n’avait point échappé au curé — dès que la circulation des personnages commençait à se ralentir, un coup de fouet envoyé sous la caisse que cachait le tapis, suffisait à ranimer leur jeu. À qui s’adressait ce coup de fouet, toujours suivi d’un gémissement ?

Le curé voulut savoir, et il dit à Thornpipe :

« Vous avez donc un chien au fond de cette boîte ? »

L’homme le regarda en fronçant le sourcil et parut trouver la question indiscrète.

« Il y a ce qu’il y a ! répondit-il. C’est mon secret… Je ne suis pas obligé de le faire connaître…

— Vous n’y êtes point obligé, répondit le curé, mais nous avons bien le droit de supposer que c’est un chien qui fait marcher votre mécanique…