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leurs seigneuries.

— Procès injuste qu’elle a l’audace et l’insolence de nous intenter ! ajouta lady Piborne, en soulignant cette phrase d’une intonation très significative.

— Ce portefeuille, reprit lord Piborne, renfermait non seulement des papiers importants, mais une somme de cent livres en banknotes destinée à notre attorney.

— Vos souvenirs sont exacts, marquis.

— Vous savez, marquise, la façon dont les choses se sont passées. Nous sommes arrivés à Newmarket sans avoir quitté la calèche. M. Laird nous a reçus sur le seuil de sa maison. Je lui ai montré les papiers, j’ai offert de déposer l’argent entre ses mains. Il nous a répondu qu’il n’avait pour l’instant besoin ni des uns ni de l’autre, ajoutant qu’il se proposait de se transporter au château, lorsque le temps serait venu de s’opposer aux prétentions de la paroisse…

— Prétentions odieuses, qui, autrefois, eussent été considérées comme attentatoires aux droits seigneuriaux… »

Et, en employant ces termes si précis, la marquise ne faisait que répéter une phrase dont lord Piborne s’était maintes fois servi en sa présence.

« Il s’ensuit donc, reprit le marquis, que j’ai conservé mon portefeuille, que nous sommes remontés en voiture, et que nous avons réintégré le château vers les sept heures, au moment où la nuit commençait à tomber. »

La soirée était obscure ; on n’était encore que dans la dernière semaine d’avril.

« Or, reprit le marquis, ce portefeuille que j’avais remis, je puis assurer, dans la poche gauche de ma pelisse, il m’est impossible de le retrouver.

— Peut-être l’avez-vous déposé en rentrant sur la table de votre cabinet ?

— Je le croyais, marquise, et j’ai vainement cherché parmi mes papiers…

— Personne n’est venu ici depuis hier ?…