Page:Verne - P’tit-bonhomme, Hetzel, 1906.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
marionnettes royales.

désigner du bout de sa baguette à l’admiration du public, en ajoutant que chacun d’eux occupe la place due à son rang, suivant l’étiquette cérémoniale.

Là, respectueusement immobile devant le trône, se tient un monsieur de haute taille, d’une distinction très anglo-saxonne, et qui ne peut être qu’un des ministres de la Reine.

C’en est un, en effet, c’est le chef du cabinet de Saint-James, très reconnaissable à son dos qui est légèrement courbé sous le poids des affaires.

Puis, Thornpipe d’ajouter :

« Et près du premier ministre, à droite, le vénérable monsieur Gladstone. »

Et, ma foi, il eût été difficile de ne pas reconnaître l’illustre « old man », ce beau vieillard, toujours droit, lui, toujours prêt à défendre les idées libérales contre les idées autoritaires. Peut-être y a-t-il lieu de s’étonner qu’il regarde le premier ministre d’un air sympathique ; mais, entre marionnettes, — même entre marionnettes politiques, — on se passe bien des choses, et ce qui répugnerait à des êtres de chair et d’os, des cabotins en carton et en bois n’en ont point vergogne.

D’ailleurs, voici un autre rapprochement inattendu, engendré par un extraordinaire anachronisme, car Thornpipe s’écrie en gonflant sa voix :

« Je vous présente, ladies et gentlemen, votre célèbre patriote O’Connell, dont le nom trouvera toujours un écho dans le cœur des Irlandais ! »

Oui ! O’Connell était là, à la cour d’Angleterre, en 1875, bien qu’il fût mort depuis vingt-cinq ans. Et, si on en eût fait l’observation à Thornpipe, le forain aurait répondu à cela que, pour un fils de l’Irlande, le grand agitateur est toujours vivant. À ce compte-là, il aurait tout aussi bien pu exhiber M. Parnell, bien que cet homme politique ne fût guère connu à cette époque.

Puis, par places, sont disséminés d’autres courtisans, dont le nom