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p’tit-bonhomme.

ment inondé. Quantité de maisons, emportées par les torrents, laissèrent leurs habitants sans abri. Surpris par la soudaineté des crues, ces pauvres gens attendirent vainement des secours. Presque tout le bétail périt, et, en même temps, les récoltes, préparées avec tant de peines, furent irrémédiablement perdues !

Dans le comté de Kerry, une partie du domaine de Rockingham disparut sous les eaux de la Cashen. Quinze jours durant, sur un rayon de deux à trois milles, les abords de la ferme se transformèrent en une sorte de lac — lac traversé de courants furieux, qui entraînaient les arbres déracinés, les débris de cabanes, les toitures arrachées aux maisons voisines, toutes les épaves d’une vaste démolition, et aussi les cadavres d’animaux dont les paysans perdirent plusieurs centaines.

La crue s’étendit jusqu’aux hangars et aux étables de la ferme, ce qui amena leur destruction à peu près totale. Malgré les plus énergiques efforts, il fut impossible de sauver le reste des bestiaux, sauf quelques porcs. Si la maison d’habitation n’avait pas été surélevée, le flot l’eût atteinte aussi, car la crue ne s’arrêta qu’au niveau du rez-de-chaussée, qui, pendant une nuit, se trouva menacé par ces eaux tumultueuses.

Enfin, ce qui frappa le pays d’un dernier coup, le plus terrible, le plus désastreux, la récolte des pommes de terre fut entièrement anéantie au milieu de ces champs ravinés par les courants.

Jamais la famille Mac Carthy n’avait vu apparaître sur son seuil un si effrayant cortège de misères. Jamais l’avenir ne s’était présenté sous un aspect si lugubre pour le fermier irlandais. Faire face aux nécessités de la situation devenait impossible. L’existence de ces malheureux allait être remise en question. Quand on demanderait à M. Martin de s’acquitter envers l’État, envers les propriétaires du sol, que répondrait-il ?

En effet, elles sont lourdes, ces charges du tenancier. Qu’il reçoive la visite du collecteur des taxes ou la visite du régisseur des landlords, c’est toujours le plus clair de son bénéfice qui passe