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mauvaise année.

XV

mauvaise année


La blessure de P’tit-Bonhomme n’était pas grave, bien que son sang eût abondamment coulé. Mais, s’ils fussent arrivés quelques instants plus tard, Murdock n’aurait relevé qu’un cadavre, et jamais Kitty n’eût revu son enfant.

Dire que P’tit-Bonhomme fut entouré de soins affectueux pendant les quelques jours que nécessita son rétablissement, ce serait superflu. Plus qu’à aucun moment il sentit qu’il avait une famille, lui, ce pauvre orphelin d’on ne savait qui ! Avec quelle effusion son cœur s’ouvrait à toutes ces tendresses, lorsqu’il songeait à tant de jours heureux passés à la ferme de Kerwan. Et pour en savoir le nombre, ne lui suffisait-il pas de compter les cailloux que M. Martin lui remettait chaque soir ? Celui qu’il lui donna après l’affaire du loup, quelle joie il eut à le glisser dans son vieux pot de grès !

L’année achevée, la rigueur de l’hiver s’accentua au-delà du nouvel an. Il fallut prendre certaines précautions. De redoutables bandes de loups avaient été signalées aux alentours de la ferme, et le paillis des murs n’aurait pu résister à la dent de ces carnassiers. M. Martin et ses fils eurent plusieurs fois à faire le coup de fusil contre ces dangereux fauves. Il en fut de même dans tout le comté, dont les plaines, pendant ces interminables nuits, retentissaient de lugubres hurlements.

Oui ! ce fut un de ces lamentables hivers, qui semblent souffler sur l’Europe septentrionale toutes les bises âpres et pénétrantes des