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et il n’avait pas encore neuf ans.

« Patience… cela viendra…

— Mais, en attendant, est-ce que je ne pourrais pas semer un bout de champ ?…

— Cela te rendrait-il heureux ?…

— Oui, Grand’mère. Lorsque je vois Murdock ou Sim lancer les grains sur le sillon, balançant leurs bras, et marchant d’un pas régulier, j’ai bonne envie de les imiter. C’est un si beau travail, et il est si intéressant de penser que ce grain va germer dans les sillons de cette terre, et qu’il en sortira des épis longs… longs… Comment cela se peut-il faire ?…

— Je n’en sais rien, mon enfant, mais Dieu le sait, ce qui doit nous suffire. »

Il résulta de cette conversation que l’on vit, quelques jours après, P’tit-Bonhomme arpenter une pièce préparée à la charrue et au rouleau, et lancer la semence d’avoine avec une adresse parfaite — ce qui lui valut les compliments de Martin Mac Carthy.

Aussi, lorsque les fines pointes vertes commencèrent à sortir, quelle obstination il mit à défendre sa future moisson contre les corbeaux pillards, se levant à la pointe du jour pour les poursuivre à coups de pierre ! N’oublions pas de mentionner, en outre, qu’à la naissance de Jenny, il avait planté un petit sapin au milieu de la grande cour, avec cette pensée qu’ils grandiraient tous les deux ensemble, l’arbuste et le bébé. Et ce frêle arbuste, ce n’était pas sans peine qu’il s’ingéniait à le protéger contre les oiseaux malfaisants. Décidément, P’tit-Bonhomme et les représentants de cette gent dévastatrice ne seraient jamais bons amis.

Cet été de 1880, on travailla dur dans les campagnes de l’Ouest-Irlande. Par malheur, les circonstances climatériques se montrèrent peu favorables au rendement du sol. En la plupart des comtés, il fut très inférieur à celui de l’année précédente. Néanmoins, la famine n’était point à craindre, puisque la récolte des pommes de terre promettait d’être abondante, quoique tardive, ce dont il fallait se louer, car les emblavures ne réussirent point, et du blé, il y en