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p’tit-bonhomme.

une marin raconter ses voyages, les incidents auxquels il avait pris part, les tempêtes qu’avait essuyées le Guardian, les belles et rapides traversées des navires ! Ce qui l’intéressait surtout, c’étaient les riches cargaisons rapportées pour le compte de la maison Marcuard, l’embarquement des marchandises dont le trois-mâts était chargé à destination de l’Europe. Sans aucun doute, ces choses du négoce frappaient d’un trait plus vif son esprit pratique. À son idée, l’armateur passait avant le capitaine.

« Alors, demandait-il à Pat, c’est bien cela qu’on appelle le commerce ?…

— Oui, on embarque les produits qui se fabriquent dans un pays, et on va les vendre dans un pays où on ne les fabrique pas…

— Plus cher qu’on ne les a achetés ?…

— Bien entendu… pour gagner dessus. Puis, on importe les produits des autres contrées pour les revendre…

— Toujours plus cher, Pat ?

— Toujours plus cher… quand on le peut ! »

Et si Pat fut cent fois questionné de cette façon pendant son séjour à la ferme de Kerwan, c’est à ne point le croire. Par malheur, au grand chagrin de tous, le moment arriva où il dut quitter la ferme et retourner à Liverpool.

Le 30 septembre fut le jour des adieux. Pat allait se séparer de tous ceux qu’il aimait. Combien de temps serait-on sans le voir ? On ne savait. Mais il promit d’écrire, et d’écrire souvent. Avec quelle émotion ce brave garçon fut embrassé de tous ! Grand’mère était là, pleurant. La retrouverait-il au retour, devant l’âtre, filant sa quenouille, au milieu de ses enfants, la pauvre vieille femme si âgée ? Du moins la laissait-il en bon état de santé, comme tous ceux de sa famille. Puis, l’année avait été favorable aux cultivateurs du comté. Il n’y avait rien à craindre pour l’hiver qui se faisait déjà sentir. Aussi Pat dit-il à son frère aîné :

« Je voudrais te savoir moins soucieux, Murdock. On se tire d’affaire avec du courage et de la volonté…