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p’tit-bonhomme.

que tous furent d’accord à ce sujet. Quatre générations, il est vrai, séparaient la bisaïeule de l’arrière-petite-fille, et mieux vaut sans doute qu’une filleule puisse compter sur sa marraine, au moins pendant son enfance. Mais, dans l’espèce, il y avait une question de sentiment qui devait primer toutes les autres : c’était comme une maternité qu’allait retrouver cette vieille femme, et des larmes d’attendrissement coulèrent de ses yeux, lorsque l’offre lui fut adressée avec une certaine solennité.

Et le parrain ?… Ah ! voilà ! Cela ne marcha pas si vite. Un étranger ?… Il n’y fallait point songer, puisqu’il y avait au logis deux frères, c’est-à-dire deux oncles, Pat et Sim, qui réclamaient l’honneur de ce parrainage.

Toutefois, désigner l’un serait mécontenter l’autre. Sans doute, Pat, l’aîné de Sim, pouvait se prévaloir de cette situation. Mais c’était un marin, destiné à passer la plus grande partie de son existence en mer. Veiller sur sa filleule, comment cela lui serait-il possible ?… Il le comprit, quelque chagrin qu’il en eût, et le choix se réduisit à Sim.

Or, voici que Grand’mère eut une idée qui ne laissa pas de surprendre au premier abord. Quoi qu’il en fût, elle avait le droit d’indiquer un compère à son gré. Eh bien ! ce fut P’tit-Bonhomme qu’elle désigna.

Quoi ! cet enfant trouvé, cet orphelin dont on n’avait jamais connu la famille ?…

Était-ce admissible ?… Sans doute, on le savait intelligent, laborieux, dévoué… Il était aimé, estimé, apprécié de tous à la ferme… Mais enfin… P’tit-Bonhomme !… Et puis, il n’avait encore que sept ans et demi, ce qui est un peu jeune pour un parrain.

« Qu’importe, dit Grand-mère, il a en moins ce que j’ai en trop… Cela se compensera. »

En effet, si le parrain n’avait pas huit ans, la marraine était dans sa soixante-seizième année — soit quatre-vingt-quatre ans pour les deux… Et Grand’mère affirma que cela ne faisait que quarante-deux ans pour chacun…

« La force de l’âge », ajouta-t-elle.