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p’tit-bonhomme.

que M. Martin était venu le rejoindre, il lui communiqua sa fameuse idée.

« Eh, mon garçon, répondit le fermier, est-ce que si l’on te tirait les cheveux, tu t’imagines qu’ils en pousseraient plus vite ?… Non ! on te ferait mal, voilà tout.

— Alors, il ne faut pas ?…

— Non, il ne faut jamais faire de mal à personne, pas même aux plantes. Laisse venir l’été, laisse agir la nature, et tous ces brins verts formeront de beaux épis, et on les coupera pour avoir leur grain et leur paille !

— Vous pensez, monsieur Martin, que la moisson sera belle cette année ?

— Oui ! cela s’annonce bien. L’hiver n’a pas été trop rude, et, depuis le printemps, nous avons eu plus de jours de soleil que de jours de pluie. Dieu veuille que cela continue pendant trois mois, et la récolte paiera amplement les taxes et les fermages. »

Cependant, il y avait des ennemis avec lesquels il fallait compter. C’étaient les oiseaux pillards et voraces, qui pullulent à la surface de la campagne irlandaise. Passe pour ces hirondelles, qui ne vivent que d’insectes durant leur séjour de quelques mois ! Mais les moineaux effrontés et gourmands, véritables souris de l’air, qui s’attaquent aux graines, et surtout, ces corbeaux, dont les ravages sont intolérables, que de mal ils causent aux récoltes !

Ah ! les abominables volatiles, comme ils faisaient enrager P’tit-Bonhomme ! Comme ils avaient bien l’air de se moquer ! Lorsqu’il conduisait ses moutons à travers les pâturages, il en faisait lever des bandes noirâtres, qui jetaient des croassements aigus et s’envolaient, les pattes pendantes. C’étaient des bêtes d’une énorme envergure, que leurs puissantes ailes entraînaient rapidement. P’tit-Bonhomme se mettait à leur poursuite, il excitait Birk qui s’époumonait en aboyant. Que faire contre des oiseaux qu’on ne peut approcher ? ils vous narguent même à dix pas. Puis : « Krrroa… krrroa !… » et la nuée déguerpit !