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p’tit-bonhomme.

XII

le retour


Actuellement, P’tit-Bonhomme était heureux et n’imaginait pas qu’il fût possible de l’être davantage — tout au présent, sans songer à l’avenir. Mais l’avenir, est-ce autre chose qu’un présent qui se renouvelle de lendemains en lendemains ?

Sa mémoire, il est vrai, lui ramenait parfois des images du passé. Il songeait souvent à cette fillette qui vivait avec lui chez la méchante femme. Sissy aurait aujourd’hui près de onze ans. Qu’était-elle devenue ?… La mort ne l’avait-elle pas délivrée comme l’autre petite ?… Il se disait qu’il la retrouverait un jour. Il lui devait tant de reconnaissance pour ses soins affectueux, et, dans son besoin de se rattacher à tous ceux qui l’avaient aimé, c’était une sœur qu’il voulait voir en elle.

Puis, il y avait Grip — le brave Grip qu’il confondait avec Sissy dans le même sentiment de gratitude. Six mois s’étaient écoulés depuis l’incendie de la ragged-school à Galway, six mois durant lesquels P’tit-Bonhomme avait été le jouet de hasards si divers ! Qu’était devenu Grip ?… Lui, non plus, ne pouvait être mort… De si bons cœurs, « ça ne cesse pas de battre comme ça !… » Ce serait plutôt aux Hards, aux Thornpipes, de s’en aller, et personne ne les regretterait… Ces bêtes-là ont la vie dure !

Ainsi raisonnait P’tit-Bonhomme, et, on s’en doute bien, il n’avait pas été sans parler à la ferme de ses amis d’autrefois. Aussi la ferme s’était-elle intéressée à leur sort.