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la ferme de kerwan.

vent observés, quand il courait à travers les rues de Galway jusqu’au Claddagh. Mais, à cette misérable époque de sa vie, il était à peine vêtu. Il allait pieds nus dans la neige. La bise pénétrait à travers ses loques. Ses yeux pleuraient, ses mains étaient crevassées d’engelures. Et, quand il rentrait à la ragged-school, il n’y avait pas de place pour lui devant le foyer…

Qu’il se sentait heureux à présent ! Quel contentement de vivre au milieu de gens qui l’aimaient ! Il semblait que leur affection le réchauffait plus encore que les vêtements qui le garantissaient de la bise, la saine nourriture servie sur la table, les belles flammes de fagot pétillant au fond de la cheminée. Et, ce qui lui paraissait meilleur encore, maintenant qu’il commençait à se rendre utile, c’est qu’il sentait de bons cœurs autour de lui. Il était vraiment de la maison. Il avait une grand-mère, une mère, des frères, des parents… Et ce serait parmi eux, sans jamais les quitter, pensait-il, que se passerait son existence… Ce serait là qu’il gagnerait sa vie… Gagner sa vie, comme le lui avait dit un jour Murdock, c’est à cela que sa pensée le ramenait sans cesse.

Quelle joie il ressentit, quand, pour la première fois, il put prendre part à l’une des fêtes qui est peut-être la plus sanctifiée de l’année irlandaise.

On était au 25 décembre, la Noël, le Christmas. P’tit-Bonhomme avait appris à quel événement historique répond la solennité que les chrétiens célèbrent en ce jour. Mais il ignorait que ce fût aussi une intime fête de famille dans le Royaume-Uni. Ce devait donc être une surprise pour lui. Il comprit cependant qu’il se faisait quelques préparatifs dans la matinée. Toutefois, comme Grand’mère, Martine et Kitty semblaient y mettre une complète discrétion, il se garda bien de les interroger.

Ce qui est positif, c’est qu’il fut invité à revêtir ses beaux habits, que Martin Mac Carthy et ses fils, Grand-mère, sa fille et Kitty mirent les leurs dès le matin pour aller en carriole à l’église de Silton, et qu’ils les gardèrent toute la journée. Ce qui est avéré, c’est