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p’tit-bonhomme.

la garde du troupeau de moutons. Pas de chien de chasse, bien que le gibier soit assez abondant sur ces territoires, grouses, coqs de bruyères, bécasses, bécassines, outardes, daims et chèvres sauvages. À quoi bon ? La chasse est un plaisir de landlords. Le coût du permis, extrêmement élevé, profite au fisc britannique, et, d’ailleurs, pour avoir le droit de posséder un chien de chasse, on doit justifier d’une propriété foncière valant mille livres au moins.

Telle était la ferme de Kerwan, presque isolée au fond d’un coude que fait la Cashen, à cinq milles de la paroisse de Silton. Certainement, il existe des terres plus mauvaises dans le comté, de ces terres légères et siliceuses qui ne gardent pas l’engrais, de ces terres dont le loyer n’atteint pas même une couronne, c’est-à-dire environ six francs l’acre. Mais, tout compte fait, la culture de Martin Mac Carthy n’était que de qualité moyenne.

Au-delà de la portion exploitée s’étendaient d’arides plaines marécageuses, sillonnées de bouquets d’ajoncs, hérissées de touffes de roseaux, recouvertes de l’inévitable et envahissante bruyère. Au-dessus planaient d’immenses bandes de ces corbeaux avides du grain semé, et de ces moineaux gros-becs qui dévorent le grain formé. Grand dommage pour les fermes.

Puis, au loin, s’étageaient d’épaisses forêts de bouleaux et de mélèzes, accrochées à ces escarènes, qui sont les rudes pentes des montagnes. Et Dieu sait si ces arbres sont secoués pendant la mauvaise saison par les rafales dont s’emplit l’étroite vallée de la Cashen !

En somme, un curieux pays, digne d’attirer les touristes, ce comté de Kerry, avec ses magnifiques amphithéâtres de hauteurs boisées, ses lointains superbes, adoucis par le flottement des brumes hyperboréennes.

Il est vrai, pays dur à ceux qui l’habitent, terre trop souvent marâtre à ceux qui la cultivent.

Et le ciel veuille que la récolte de la pomme de terre, ce véritable pain de l’île, ne vienne à manquer ni dans le Kerry, ni ailleurs. Quand