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nord contre sud.

M. Stannard, ni Edward Carrol, n’osaient lui demander quelle réponse il comptait faire à cet ordre envoyé de Jacksonville.

Ce fut la petite Dy qui, inconsciemment sans doute, se fit l’interprète de toute la famille. Elle était allée près de son père, qui l’avait mise sur ses genoux.

« Père ? dit-elle.

— Que veux-tu, ma chérie ?

— Est-ce que tu iras chez ces méchants qui veulent nous faire tant de peine ?

— Oui… j’irai !…

— James !… s’écria Mme Burbank.

— Il le faut !… C’est mon devoir !… J’irai ! »

James Burbank avait si résolument parlé qu’il eût été inutile de vouloir combattre ce dessein, dont il avait évidemment calculé toutes les conséquences. Sa femme était venue se placer près de lui, elle l’embrassait, elle le serrait dans ses bras, mais elle ne disait plus rien. Et qu’aurait-elle pu dire ?

« Mes amis, dit James Burbank, il est possible, après tout, que nous exagérions singulièrement la portée de cet acte d’arbitraire. Que peut-on me reprocher ? Rien en fait, on le sait bien ! Incriminer mes opinions, soit ! Mes opinions m’appartiennent ! Je ne les ai jamais cachées à mes adversaires, et, ce que j’ai pensé toute ma vie, je n’hésiterai pas, s’il le faut, à le leur dire en face !

— Nous t’accompagnerons, James, dit Edward Carrol.

— Oui, ajouta M. Stannard. Nous ne vous laisserons pas aller sans nous à Jacksonville.

— Non, mes amis, répondit James Burbank. À moi seul il est enjoint de me rendre devant les magistrats de Court-Justice, et j’irai seul. Il se pourrait, d’ailleurs, que je fusse retenu quelques jours. Il faut donc que vous restiez tous les deux à Camdless-Bay. C’est à vous que je dois maintenant confier toute notre famille pendant mon absence.

— Ainsi tu vas nous quitter, père ? s’écria la petite Dy.