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nord contre sud.

jours, je dois aller à Jacksonville, et je verrai Stannard. Depuis que Gilbert a écrit cette lettre, d’autres nouvelles ont pu venir au sujet de l’expédition projetée. Ah ! qu’ils arrivent donc enfin, nos amis du Nord, et que la Floride rentre sous le drapeau de l’Union ! Ici, notre situation finirait par n’être plus tenable ! »

En effet, depuis que la guerre se rapprochait du Sud, une modification manifeste s’opérait en Floride sur la question qui mettait les États-Unis aux prises. Jusqu’à cette époque, l’esclavage ne s’était pas considérablement développé dans cette ancienne colonie espagnole qui n’avait pas pris part au mouvement avec la même ardeur que la Virginie ou les Carolines. Mais des meneurs s’étaient bientôt mis à la tête des partisans de l’esclavage. Maintenant, ces gens, prêts à l’émeute, ayant tout à gagner dans les troubles, dominaient les autorités à Saint-Augustine et principalement à Jacksonville où ils s’appuyaient sur la plus vile populace. C’est pourquoi cette situation de James Burbank, dont on connaissait l’origine et les idées, pouvait à un certain moment devenir très inquiétante.

Il y avait près de vingt ans que James Burbank, après avoir quitté le New-Jersey où il possédait encore quelques propriétés, était venu s’établir à Camdless-Bay avec sa femme et son fils âgé de quatre ans. On sait combien la plantation avait prospéré, grâce à son intelligente activité et au concours d’Edward Carrol, son beau-frère. Aussi avait-il pour ce grand établissement qui lui venait de ses ancêtres, un attachement inébranlable. C’était là qu’était né son second enfant, la petite Dy, quinze ans après son installation dans ce domaine.

James Burbank avait alors quarante-six ans. C’était un homme fortement constitué, habitué au travail, ne s’épargnant guère. On le savait d’un caractère énergique. Très attaché à ses opinions, il ne se gênait point de les faire hautement connaître. Grand, grisonnant à peine, il avait une figure un peu sévère, mais franche et encourageante. Avec la barbiche des Américains du Nord, sans favoris et sans moustache, c’était bien le type du yankee de la Nouvelle-Angleterre. Dans toute la plantation, on l’aimait, car il était bon, on lui obéissait, car il était juste. Ses noirs lui étaient profondément dévoués,