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la grande cyprière.

de loriots aux pennes dorées, passent comme des étoiles filantes, les écureuils se jouent dans les hautes branches, et les perroquets remplissent la forêt de leur assourdissant caquetage. En somme, curieuse contrée, mais difficile à parcourir.

Il fallait donc étudier avec soin le terrain sur lequel on s’aventurait. Un piéton aurait pu s’enliser jusqu’aux aisselles dans les nombreuses fondrières. Cependant, avec quelque attention, et grâce à la clarté de la lune que tamisait le haut feuillage, on parvint à s’en tirer mieux que mal.

Le fleuve permettait de se tenir en bonne direction. Et c’était fort heureux, car tous ces cyprès se ressemblent, troncs contournés, tordus, grimaçants, creusés à leur base, jetant de longues racines qui bossuent le sol, et se relevant à une hauteur de vingt pieds en fûts cylindriques. Ce sont de véritables manches de parapluie, à poignée rugueuse, dont la tige droite supporte une immense ombrelle verte, laquelle, à vrai dire, ne protège ni de la pluie ni du soleil.

Ce fut sous l’abri de ces arbres que James Burbank et ses compagnons s’engagèrent un peu après le lever du jour. Le temps était magnifique. Nul orage à craindre, ce qui aurait pu changer le sol en un marais impraticable. Néanmoins il fallait choisir les passages, afin d’éviter les fondrières qui ne s’assèchent jamais. Fort heureusement, le long du Saint-John, dont la rive droite se trouve un peu en contre-haut, les difficultés devaient être moindres. À part le lit des ruisseaux qui se jettent dans le fleuve et que l’on devait contourner ou passer à gué, le retard fut sans importance.

Pendant cette journée, on ne releva aucune trace qui indiquât la présence d’un parti de sudistes ou de Séminoles, aucun vestige non plus de Texar ni de ses compagnons. Il pouvait se faire que l’Espagnol eût suivi la rive gauche du fleuve. Ce ne serait point là un obstacle. Par une rive comme par l’autre, on allait aussi directement vers cette basse Floride, indiquée par le billet de Zermah.

Le soir venu, James Burbank s’arrêta pendant six heures. Ensuite, le reste de la nuit s’écoula dans une marche rapide. Le cheminement se faisait en silence sous la cyprière endormie. Le dôme de feuillage ne se