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nord contre sud.

nappe liquide, dont les berges se dégageaient enfin de l’interminable forêt. Le pays, très plat, se reculait jusqu’aux limites d’un horizon éloigné de plusieurs milles.

C’était un lac — le lac George — que le Saint-John traverse du sud au nord, et auquel il emprunte une partie de ses eaux.

« Oui ! C’est bien le lac George, dit Mars, que j’ai déjà visité, lorsque j’accompagnais l’expédition chargée de relever le haut cours du fleuve.

— Et à quelle distance, demanda James Burbank, sommes-nous maintenant de Camdless-Bay ?

À cent milles environ, répondit Mars.

— Ce n’est pas encore le tiers du parcours que nous avons à faire pour atteindre les Everglades, fit observer Edward Carrol.

— Mars, demanda Gilbert, comment allons-nous procéder maintenant ? Faut-il abandonner l’embarcation afin de longer une des rives du Saint-John ? Cela ne se fera pas sans peine ni retard. Ne serait-il donc pas possible, le lac George une fois traversé, de continuer à suivre cette route d’eau jusqu’au point où elle cessera d’être navigable ? Ne peut-on essayer, quitte à débarquer si l’on échoue et si l’on ne peut se remettre à flot ? Cela vaut du moins la peine d’être tenté. — Qu’en penses-tu ?

— Essayons, monsieur Gilbert », répondit Mars.

En effet, il n’y avait rien de mieux à faire.

Il serait toujours temps de prendre pied. À voyager par eau, c’étaient bien des fatigues épargnées et aussi bien des retards.

L’embarcation se lança donc à la surface du lac George, dont elle prolongea la rive orientale.

Autour de ce lac, sur ces terrains sans relief, la végétation n’est pas si fournie qu’au bord du fleuve. De vastes marais s’étendent presque à perte de vue. Quelques portions du sol, moins exposées à l’envahissement des eaux, étalent leurs tapis de noirs lichens, où se détachent les nuances violettes de petits champignons qui poussent là par milliards. Il n’aurait pas fallu se fier à ces terres mouvantes, sortes de mollières qui ne peuvent offrir au marcheur un point d’appui solide. Si James Burbank et ses compagnons eussent dû che-